Faux gourou et retour
Le stage de la shivaratri a été fantastique et les explications de Swamiji particulièrement claires. Vendredi dernier a été un jour très particulier puisque c'est ce jour qu'a lieu la shivaratri proprement dite. En fait c'est plutôt la nuit qui est importante puisque shivaratri signifie "nuit de Shiva", mais la journée qui précède est speciale. Swamiji s'est isolé pour 24h dans sa première maison pour procéder a ses tapas (jeune et meditation) nous étions encouragés mais sans obligation, à faire de même. J'ai pour ma part passé la journée dans ma chambre, a jeuner et méditer en silence. Nous avons malgré tout eu deux cours donnés par un autre enseignant. En fin d'après midi, je suis sorti voir le coucher de soleil et fait un girivalam. J'ai mis beaucoup plus de temps que d'habitude car en jeunant, le corps et le mental fonctionnent au ralenti mais ca a été une expérience intéressante. Je suis rentré vers 22h mais je ne suis pas allé au temple où des pujas étaient en cours, préférant me retirer dans ma chambre ou j'ai vaguement rompu le jeune en mangeant quelques goyaves.
Le stage s'est terminé samedi midi et l'ashram a commencé a se vider dès l'après midi. J'en ai profité pour aller en ville faire quelques achats de dernière minute et rentrer a pied, ce qui m'a quand même fait un girivalam aux deux tiers.
Dimanche matin, nous sommes allés voir un "guru" qui donnait des satsangs. J'avais déjà entendu parlé de lui, plutôt en bien, par un italien résidant a l'ashram. Il s'agit d'un certain Mooji qui occupait pour l'occasion une guest house à la sortie de Tiruvannamalai. Bien qu'arrivés en avance, nous avons du faire la queue car le bonhomme est réputé parmi les occidentaux. J'ai retrouvé le type de personnes que l'on voit au café en face du Ramana ashram et dont j'ai déjà parlé, ces New Age people qui cultivent le petit sourire heureux et paisible, mais aussi des hippies et dans le lot, certainement de nombreux profs et pratiquants de yoga, débutants comme avancés. On les reconnait facilement car ils adoptent la position méditative du lotus. Par contre, quasiment pas d'indien. Il y avait tellement de monde que nous étions assis au rez de chaussée face a un grand écran qui diffusait des images du toit où se trouvait le "guru". Le satsang a commencé a dix heures par une jeune femme qui est venu le voir pour de terribles maux de tête suite a un accident de moto en Inde. Elle est repartie sans réponse précise autre qu'elle est la Conscience Absolue mais avec le sourire. Après lectures de quelques lettres de remerciement adressées a Mooji par des adeptes heureux de ce "sentiment de paix trouvé" auprès de lui, est venu un vieux monsieur, chercheur "paresseux mais constant" pour nous parler des ses 3 expériences mystiques qu'il a eu dans sa vie. Il est reparti avec la même réponse que la jeune femme précédente. Encore lecture de quelques lettres exaltées puis une autre jeune femme s'est présentée. Elle m'a vraiment fait de la peine. Elle est venue pour dire qu'elle était fatiguée de faire des retraites qui ne menaient a rien, fatiguée de cultiver un état d'être qui finalement ne la rendait pas heureuse et qu'elle était très confuse dans son esprit. J'ai été stupéfait de la réponse de Mooji. Il lui a dit, comme aux autres, qu'elle était la Conscience Absolue et qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète, que ça allait passer, qu'il fallait qu'elle se laisse aller, qu'elle pète les plombs si elle en ressentait le besoin, ce n'était pas grave, qu'elle était sur le bon chemin, qu'il fallait qu'elle persévère. Elle est repartie encouragée par ces paroles mais pour combien de temps? J'étais scandalisé. Ce type n'a que les mots "Conscience Absolue" a la bouche. Il n'explique pas vraiment de quoi il s'agit, il essaie de faire dire a ceux qui viennent le voir qu'ils sont cette Conscience en analysant leurs propos suite à la question "Qui etes-vous?" Il dit qu'il faut cultiver ce sentiment d'être cette Concience et tout un autre tas de stupidités du même genre qui rendent les gens encore plus confus qu'ils ne sont. C'est vraiment n'importe quoi, mais du coup j'ai mieux compris les attitudes vue a droite a gauche et les conversations que l'on peut entendre dans les cafés et restaurants "branchés".
J'ai eu en fin d'après midi un excellent exemple des ravages que peuvent faire ce genre de types qui s'improvisent gurus sans avoir jamais vraiment étudié quoique ce soit. J'ai d'ailleurs appris entre temps qu'il n'hésitait pas a se taper ses adeptes les plus jolies. Bref! En fin d'après midi donc, je me suis arrêté dans une petite échoppe pas très loin de l'ashram, où j'ai l'habitude de prendre du chai le soir. Alors que je venais d'être servi, je vois une fille bien dans le style de ce que j'avais vu le matin même chez Mooji, venir s'asseoir et commander un chai. Je pensais au départ qu'elle faisait un girivalam car elle était pieds nus et je lui pose la question. En fait non, elle habite dans une maison pas très loin. On discute un peu et je lui demande son nom. Elle me répond "No name, no country! - Elle ajoute qu'elle essaie d'oublier - Tout n'est qu'Un, Conscience Absolue!" Très intéressant comme réponse. Si tout n'est qu'Un, pourquoi boire un chai plutôt que l'eau croupie de l'étang d'à côté? Après tout, du point de vue de l'Absolu, il n'y a pas de différence entre les deux. Mais plutôt que de lui faire cette réponse, je lui demande si elle sait au moins depuis combien de temps elle est en Inde. 3 ans me dit elle. C'est a ce moment qu'arrive un gros 4x4 bien rempli comme il se doit. Comme souvent, les enfants du 4x4, des petites filles, nous regardent avec curiosité et viennent timidement nous saluer et nous demander notre nom. Je meprésente volontiers et engage la conversation avec elles et leurs parents tandis qu'a côté fuse la réponse "No name, no country" assaisonnée cette fois d'un "No photo, please". Je me prête pour ma part volontiers à ce petit rituel qu'affectionnent les Indiens, d'autant plus que c'était l'anniversaire d'une des petites. Ca a été un moment bien sympa dont a profité "No-no" pour s'eclipser. En repensant a elle, je me suis dit que c'était bien triste de voir des gens comme ça, complètement paumés, le cerveau lavé par de pseudo gourous. Enfin bon. Que faire? Plus grand chose de possible a ce niveau.
Le soir, Nadia et moi prenions un taxi pour l'aéroport de Chennai. Mémorable trajet pour Nadia qui a été contractée pendant tout le voyage a cause de la conduite du chauffeur qu'elle trouvait "inconsciente". A chaque fois que l'on croisait un camion ou que l'on dépassait a l'indienne, j'entendais un "Ho! Punaise", une main se contractant sur l'innocente poignée de la portière et l'autre sur le siège. Arriver a Chennai a été un réel soulagement pour elle. Nous avons pris l'avion pour Doha puis pour Paris. Nous sommes arrivés après 22 heures de voyage sous la grisaille et le froid intense de l'hiver. Ce n'est pas très agréable, mais bon, c'est ainsi.
J'ai dormi comme une masse la nuit dernière et j'ai encore du mal a réaliser que je suis rentré. Dans deux ou trois jours, je redescends chez moi. Avant ça, j'en profiterai pour poster quelques photos.