La vie tranquille de l'ashram

Swamiji a quitté l'ashram ce matin à 5h30 pour aller un prendre un vol Chennai-Mangalore. Il ira ensuite dans un lieu qui lui est cher pour y passer quelques temps, seul, pour écrire. C'est en tous cas ce qu'il dit. Je le rejoindrai normalement dans quelques semaines.

Ces derniers jours ont été un peu mouvementés pour moi car j'ai passé beaucoup de temps avec lui, et en particulier ces dernières 24h. Nous avons terminé hier matin l'étude du texte que nous avions commencé début mars. Myriam n'a pas assisté au dernier cours car elle a été frappée d'un mal étrange et inexpliqué qui l'a couchée pendant 24h. Aujourd'hui, elle est à nouveau sur pied et en pleine forme. Nous avons tous les deux trouvés que ces derniers cours étaient bâclés, on sentait que Swamiji avait hâte d'en finir et de quitter l'ashram. Hier soir, il me disait qu'il n'avait plus aucune responsabilité aussi bien au niveau de l'ashram que du Trust dont il était jusqu'à présent l'administrateur principal et que plus rien ne le retenait ici. De toutes façons, son coeur n'était plus ici et il aspirait à l'anonymat. Il envisageait de retourner vivre dans son village après son temps dans la forêt. Il envisage peut être de repartir à zéro, c'est à dire de monter une petite structure avec une grande maison pour lui, une dizaine de petits cottages et d'enseigner à des gens qu'il choisirait pour une période de six mois à un an.

Il ne veut de toutes façons plus rester à Thiruvannamalai car il y a des personnes qu'il ne veut absolument plus revoir, comme l'ancien administrateur de l'ashram - que je soupçonne de vouloir le faire chanter, mais c'est une opinion tout à fait personnelle mais pas forcément fondée - ou encore un couple qui lui a récemment causé du tord et qui maintenant est rongé par le remord. Il est absolument paranoïaque quand à l'usage de son téléphone car il redoute d'être espionné. Plusieurs fois il m'a demandé s'il était possible qu'il soit sur écoute, en particulier après une conversation assez longue qu'il a eu dimanche dernier dans la soirée, avec l'administratrice de l'ashram de Chennai (qui, elle non plus, n'est pas très nette). Je lui ai répondu qu'en principe, seule la police avait les moyens de faire cela et que si vraiment il voulait être certain de ne pas être sur écoute, il valait mieux téléphoner d'une cabine publique, ou mieux encore, parler de vive voix avec la personne concernée. Il m'a aussi demandé ce que je pensais du fait qu'il quitte sa robe orange. Je lui ai dit que quelle que soit la façon dont il était habillé, ça ne lui enlevait pas la connaissance qu'il avait ni ses facultés d'enseignement. En bref, il se pose beaucoup de questions.

Hier soir, j'ai passé la soirée et une partie de la nuit avec lui. Après dîner, nous sommes allés sur la terrasse de son ancienne garçonnière admirer le spectacle céleste qui s'y déroulait. Enfin surtout moi car il a quasiment passé tout son temps au téléphone. Nous avons pu un peu discuter quand même mais il n'était pas vraiment 'là'. Vers 21h30, nous sommes retournés à sa hutte bricoler sur son ordinateur pour faire des modifications sur son actuel compte mail qu'il voulait clôturer. Puis nous sommes allés au temple nous poser un moment. Nous sommes revenus à sa hutte vers minuit et avons fait du ménage dans ses quelques 8700 mails. A deux heures du matin, nous avons arrêté mais nous étions loin d'avoir fini. J'ai à cette occasion, pu avoir un bon éclairage sur l'origine de la situation actuelle.

(...)

Mon ami Suresh La Tornade m'a envoyé hier des photos qu'il a prises à l'orphelinat de Swamji. On ne peut pas dire que l'endroit soit particulièrement accueillant ni florissant. Je ne connais pas le montant des dons qui ont été fait, mais ce que l'on peut voir, on a l'impression que ça ne va pas chercher bien loin.

D'autre part, depuis le début du mois sont arrivés de nouveaux administrateurs qui vont reprendre en charge la gestion de l'ashram. Deux individus très dévots qui écoutent des chants védiques de bon matin, qui vont au temple plusieurs fois par jour et qui sont offusqués si l'on s'asseoit là où Swamiji s'est assis ou si l'on met ses lunettes et qu'on l'imite comme j'ai pu le faire un jour avant le cours pour rigoler. J'ai raconté l'anecdote à Swamiji qui en a aussi bien ri mais qui m'a dit de faire attention avec ce genre de personnes. Alors je fais attention.

J'ai par ailleurs appris que tous les natifs d'Orissa qui travaillent actuellement à l'ashram vont progressivement rentrer chez eux d'ici deux mois pour être remplacé par des travailleurs locaux. Pour moi, ça veut bien dire qu'il y a peu de chances que Swamiji revienne ici.

Pour conclure, je pense qu'à 62 ans et après 40 ans d'enseignement, Swamiji veut prendre sa retraite. Il continuera à enseigner à l'occasion, mais sans plus. Myriam et moi sommes les seuls témoins étrangers de la fin peu glorieuse de cette période de gloire pour Swamiji. Nous nous sommes posés la question de savoir s'il était vraiment ce qu'il disait et nous avons de sérieux doutes. Nous ne remettons pas en cause la qualité de l'enseignement qui est très bon, mais le comportement du bonhomme qui laisse à désirer, surtout ces derniers temps. Son comportement récent avec elle nous a surpris. Il lui a par exemple, dit de s'acheter ses cd et de les écouter tous les jours pendant une heure. Puis, le même jour, en cours, il dit qu'écouter un enregistrement ou voir une vidéo n'est pas la même chose que d'avoir l'enseignement en direct, que ça ne sert à rien. C'est pourtant ce qu'il nous a conseillé à tous de faire hier avant son départ. J'ai donc pour mission de mettre en place le lecteur de dvd et le video projecteur pour que, chaque jour, nous ayons tous notre enseignement virtuel. Personnellement, je n'ai vraiment pas envie de perdre mon temps à regarder un DVD, je préfère plutôt continuer à travailler sur mes notes, mais le coeur n'y est pas vraiment. Je vais quand même le faire car je sais que cela me sera utile par la suite.

De toutes façons, j'ai eu le sentiment ces derniers jours que j'avais fait le tour avec Swamiji, que je n'avais plus grand chose à apprendre de lui et qu'il était temps pour moi de passer à autre chose.

Je vais prochainement m'absenter de l'ashram pour quelques jours et aller voir du côté de Coimbatore ce qu'il s'y passe et si je peux m'y installer. Le climat y est aussi plus clément parait-il...

PS : J'ai publié l'autre jour deux photos de la statue que je me suis procurée via Myriam. Il s'agit de Krishna et non de Shiva, ça n'est pas tout à fait pareil. Dans le panthéon Indien, il y a trois dieux principaux : Brahma, Vishnou et Shiva qui représentent les trois principes suivants : création, maintenance et destruction. De ces trois dieux découlent tous les autres sous la forme d'avatars. Krishna est un avatar de Vishnou (sauf chez les Hare Krishna ou c'est l'inverse), il n'y a donc pas de lien direct avec Shiva.